✂️ Rachat d'actions, des dividendes non taxés ?
#17 : Celui qui augmentait sa part du gâteau
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💭 Mon grain de sel : Augmenter sa part du gâteau en gardant les mains dans les poches
📚 3 min pour comprendre : Pourquoi la capitalisation boursière ne baisse pas après des rachats d’actions ?
📊 Le juste prix : Mastercard
💬 La citation de la semaine
🤩 Une image vaut mille mots
🛠 Une ressource vraiment utile : Bourseko
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💭 Mon grain de sel : Augmenter sa part du gâteau en gardant les mains dans les poches
Imaginez, si vous le voulez bien, trois actionnaires d'un concessionnaire automobile local, chacun parfaitement informés, dont l'un gère l'entreprise.
Imaginez, en outre, que l'un des deux propriétaires passifs souhaite revendre ses parts à l'entreprise à un prix attractif pour les deux actionnaires restants.
Une fois achevée, cette transaction a-t-elle porté préjudice à quelqu'un ? Le gestionnaire est-il en quelque sorte favorisé par rapport aux propriétaires passifs restants ? Le public a-t-il été lésé ?
Warren Buffett, Lettre aux actionnaires 2023
Quand une entreprise a du cash, que peut-elle faire ?
Ma fille répondrait « S’acheter pleiiiiiins de bonbons ! ». Bon, ma fille pas ne dirige pas (encore) d’entreprise cotée en Bourse, ce qui devrait rassurer les actionnaires (et son dentiste).
Dans une newsletter précédente, je t’expliquais que la « vraie » mesure du cash produit par l’entreprise correspond aux free cash-flow (en français, flux de trésorerie disponible). Je t’invite à aller relire la newsletter pour te rafraichir la mémoire, mais pour faire simple, les free cash-flow correspondent à l’argent réellement disponible dans les comptes de l’entreprises et qui peut être dépensé.
En général les principales options pour dépenser les free cash-flow sont :
Réinvestir dans l’entreprise, dans le but d’augmenter sa croissance « en interne »
Réinvestir dans d’autres entreprises, pour augmenter sa croissance « en externe » - on parle de M&A (Mergers & Acquisitions – Fusions et Acquisitions)
Rembourser ses dettes, dans le but d’alléger son bilan : difficile de faire faillite quand on ne doit d’argent à personne
Verser un dividende : quand l’entreprise ne sait plus quoi faire de son argent elle peut décider de te « récompenser » en tant qu’actionnaire en te versant une partie des bénéfices. Libre à toi ensuite de réinvestir cet argent dans la même entreprise, dans une autre entreprise ou simplement de le dépenser.
Et enfin la dernière option : l’entreprise peut racheter ses propres actions. Dans quel but ? C’est ce qu’on va voir aujourd’hui !
Comment ça marche ?
L’entreprise lance en général un programme de rachat d’actions en avance, approuvé par le conseil d’administration. Ce plan définit le nombre d’actions à acheter, le montant maximal à dépenser pour ces rachats, et la période pendant laquelle les rachats pourront être effectués.
Elle va ensuite acheter ses propres actions, de plusieurs façons :
Sur le marché libre (comme toi & moi). Dans ce cas les achats sont souvent divisés en plusieurs fois, pour limiter la volatilité du marché : le prix de l’action au quotidien est basé sur l’offre et la demande. Imagine ce qu’ils se passerait si d’un coup un achat de plusieurs millions apparaissait ? C’est simple : le prix exploserait à la hausse, le marché se disant sûrement « Si quelqu’un achète autant, il doit savoir un truc que j’ignore, il ne faut pas que je loupe ça ! »
La 2e option est de faire une offre publique de rachat (OPR) : pour faire simple, l’entreprise propose aux actionnaires de racheter leurs actions à un prix fixé à l’avance, souvent avec une prime.
La dernière option est via des négociations privées, souvent avec les investisseurs institutionnels.
Une fois les achats effectués, l’entreprise peut :
Les annuler (les détruire), ce qui réduit le nombre d’actions en circulation (et on va voir plus bas les conséquences)
Ou alors les conserver dans le bilan de l’entreprise, et elles pourront être ré-émises ou annulées plus tard. L’entreprise peut par exemple décider d’utiliser une partie des actions rachetées pour rémunérer ses employés en actions (share-based compensation en anglais), quelque chose dont on parlera dans une prochaine newsletter 😉
Pourquoi c’est bénéfique pour les actionnaires ?
Le rachat d’actions a plusieurs impacts positifs pour toi en tant qu’actionnaire : à court-terme, si le marché est informé qu’une large quantité d’actions va être acheté, cela signifie une augmentation de la demande, donc potentiellement une augmentation du prix de l’action.
Le rachat d’action peut aussi être interprété comme un signe que l’entreprise a confiance en elle-même, ce qui peut aussi jouer à faire grimper les prix à court ou moyen terme
Mais c’est à plus long-terme que l’impact est le plus important selon moi : en réduisant le nombre d’actions en circulation, le bénéfice par action (BPA) augmente AUTOMATIQUEMENT.
Exemple simple : l’entreprise produit un bénéfice de 10k €, partagé en 20 actions. Le BPA est donc de 500 € (10 000 /20). Si l’entreprise rachète 2 actions, le bénéfice est maintenant divisé par 18 et le BPA devient 555,55 € (10 000 / 18).
Si le gâteau fait la même taille mais qu’il y a moins de tranches (coupées à part égales !), chaque tranche est forcément plus grosse !
Cette dernière raison est vraiment LA raison principale pour laquelle des investisseurs comme Warren Buffett adorent les rachats d’actions : cela augmente notre part dans l’entreprise SANS RIEN FAIRE.
Fiscalement, les rachats d’actions sont également avantageux pour toi en tant qu’actionnaire : les plus-value sont taxées, les dividendes sont taxés, mais pas les rachats d’actions (en tout cas, pas pour toi). C’est pour ça que les rachats d’actions sont parfois qualifiés de « dividende non taxé ».
Et l’inverse alors ?
Si tu as compris l’utilité des rachats d’actions, tu devrais alors facilement comprendre pourquoi une entreprise qui ÉMET des actions est souvent perçu négativement. En créant de nouvelles actions, l’entreprise réduit notre participation et donc la part de bénéfices que rapporte chaque action. Pour reprendre l’analogie, c’est comme si on augmentait le nombre de parts de gâteau : tu en auras donc forcément moins dans ton assiette !
C’est notamment pour cela que, lors des publications de résultat, les marchés sont très attentifs non seulement à la croissance du chiffre d’affaire, mais également à celle des BPA. Si l’entreprise augmente son CA de 10 % mais émet 10 % d’actions en plus, le BPA sera… le même !
Un mot sur les cannibales
Certaines entreprises sont réputées pour être adeptes des rachats d’actions, à un point telles qu’on les qualifie d’entreprises « cannibales » (i.e., elles ‘mangent’ leurs propres actions).
Parmi celles-ci on peut citer Apple, MSCI, Mastercard ou AutoZone.
Attention quand même !
Si les rachats d’actions sont en général appréciés, il ne faut pas que ce soit fait n’importe comment. Les principaux points à vérifier sont notamment :
La source de financement : si l’entreprise utilise les free cash-flow ou le cash disponible, tout va bien. Par contre si l’entreprise doit s’endetter pour supporter ces rachats d’actions, il est temps de surveiller le management de très près…
Même en utilisant les free cash-flow, l’argent déployé pour racheter des actions ne peut plus être utilisé ailleurs : il faut donc vérifier que l’entreprise ne sous-investit pas en elle-même simplement pour satisfaire les actionnaires à court-terme (cela s’applique aussi aux versements de dividendes d’ailleurs…). De la même façon, un rachat d’action peut être interprété comme un « manque d’inspiration » de la part du management qui ne voit pas d’autres façon d’utiliser le capital pour croître.
Le prix de rachat : certains investisseurs voient parfois d’un mauvais œil des annonces de rachat d’actions lorsque le prix est proche des plus hauts historiques (exemple récent d’article sur Nvidia ?). Quand tu achètes une action tu dois éviter de surpayer, et c’est la même chose pour l’entreprise. Racheter ses actions juste avant une baisse importante pourrait être perçu comme une mauvaise allocation du capital par le management, entraînant potentiellement une baisse encore plus forte.
Si l’entreprise rachète massivement ses actions mais que le bénéfice ne grandit pas, cela se reflétera par une augmentation des BPA, sans que « la source » (les bénéfices) n’augmentent, ce qui n’est jamais souhaitable. Pour rappel, le prix à long-terme d’une action est fortement corrélé à la croissance de son CA, de ses bénéfices et de ses free cash-flow.
Critiques
Les rachats d’actions ne sont pas exemptes de critiques de la part de certaines personnes (souvent politiciens) :
Favoriser les actionnaires au détriment des salariés : l’un des arguments les plus souvent entendus est que l’argent dépensé pour racheter les actions ne l’est pas pour augmenter les salaires ou les conditions de travail des salariés, ou pour investir dans la R&D et l’innovation, ce qui pourrait stimuler la croissance économique du pays
Inciter l’augmentation des BPA pour favoriser les dirigeants : dans certaines entreprises, une partie du salaire des dirigeants est lié à la performance de l’entreprise, notamment la croissance des BPA. Il est alors facile d’imaginer la motivation que certains dirigeants peuvent avoir pour « artificiellement » faire grimper les BPA…
Show me the incentives, and I will show you the outcomes”
Charlie Munger
Réduction de la liquidité : en réduisant le nombre d’actions pouvant être échangées sur les marchés, cela peut rendre le cours de l’action plus volatile et sensible aux chocs ou aux achat/vente aux volumes hors importants
Aux US, les rachats d’actions sont taxés à 1 % depuis 2022 (Inflation Reduction Act 2022). Cette taxe vise à décourager les entreprises de privilégier les rachats d’actions aux investissements dans l’économie et les salaires.
Conclusion
Si les rachats d’actions ne sont pas un critère fondamental pour sélectionner une entreprise de qualité, il est indéniable que – lorsque c’est bien fait – les rachats d’actions sont une façon incroyable d’augmenter ton capital dans l’entreprise en gardant les mains dans les poches !
📚 3 min pour comprendre : Pourquoi la capitalisation boursière ne baisse pas après des rachats d’actions ?
Résumé
En théorie, la réduction du nombre d’actions devrait diminuer la capitalisation boursière de l’entreprise.
En réalité, d’autres facteurs interagissent en permanence, l’impact des rachats d’actions sur la capitalisation boursière étant finalement négligeable.
Pour rappel : la capitalisation boursière (en anglais, Market Cap) d’une entreprise correspond à ce qu’elle “vaut” vraiment sur les marchés. On le définit simplement comme le nombre total d’actions en circulation, multiplié par le prix de l’action :
Capitalisation Boursière = nombre d’actions x prix de l’action
Pas besoin d’être Einstein pour voir que si le nombre d’actions diminue, la capitalisation boursière devrait AUSSI baisser.
Mathématiquement, c’est vrai.
SAUF QUE…
Le rachat d’actions impacte immédiatement la valorisation de l’entreprise !
Pourquoi ? Tout simplement car les rachats d'actions utilisent des liquidités (du capital) pour réduire le nombre d'actions en circulation. Cela réduit la valeur globale de l'entreprise (capitalisation boursière) du montant approximatifs du rachat, net de toute augmentation indirecte du prix de l'action.
Exemple simple
Supposons qu'une entreprise possède 100 millions d'actions en circulation à 50 $ chacune. Ses capitaux propres valent donc 5 milliards de dollars. Elle rachète 10 millions d'actions à 50 $ chacune, dépensant ainsi 500 millions de dollars.
Comme elle a dépensé 500 millions de dollars en espèces, les capitaux propres restants valent 4,5 milliards de dollars. Elle possède 90 millions d'actions en circulation, donc le prix par action est toujours de 50 $, mais la capitalisation boursière est passée de 5 milliards à 4,5 milliards de dollars.
En réalité, trois choses peuvent se produire :
Le prix payé par l’entreprise peut être considéré comme étant un peu plus ou un peu moins élevé que la juste valeur marchande.
Le fait que l’entreprise rachète des actions peut être considéré comme un signal positif (l’entreprise pense que ses actions sont sous-évaluées et donne une plus grande part des revenus futurs aux actionnaires) ou négatif (l’entreprise ne peut pas utiliser l’argent pour se développer) qui affecte le cours de l’action.
Rien ne se produit en même temps et toutes sortes de choses sont en mouvement pendant le rachat d’actions.
La complexité des interactions a souvent pour conséquence que le rachat d’action n’a pas ou très peu d’impact (direct) sur la capitalisation boursière.
📊 Le juste prix : Mastercard
Acheter des entreprises de qualité, c’est bien.
Les acheter au “juste prix” (ou au moins, sans payer trop cher !), c’est mieux…
C’est-à-dire faire la différence entre le PRIX de l’action, et sa VALEUR intrinsèque.
Chaque semaine, je te partage mes estimations sur la valorisation d’une entreprise. Pour comprendre la méthode, je t’invite à (re)lire cette édition de la newsletter.
Le tableau ci-dessous te permet de visualiser mes différentes estimations en fonctions des hypothèses de croissance des free cash flow & du ratio de valorisation Prix / FCF.
En rouge 🔴 Le prix actuel semble sur-valorisé.
En blanc ⚪️ Le prix actuel semble correctement valorisé.
En vert 🟢 Le prix actuel semble sous-valorisé.
(Attention : les couleurs sont relatives au prix de l’action le jour de l’analyse !)
⬇️ Mon estimation personnelle ⬇️
Croissance des free cash flow
Historiquement sur 10 ans, le CAGR (compounded annual growth rate) se situe entre 8 et 15 %.
Je pense que Mastercard a les moyens de voir ses FCF augmenter d’au-moins 10 % par an sur les 5 prochaines années.
Ratio Prix / FCF
Historiquement sur 10 ans, le ratio Prix / FCF se situe entre 25 et 50 (hors pic Covid). Plus récemment, le ratio oscille entre 30 et 45, avec une valeur médiane à 40 sur les 5 dernières années.
Je pense qu’un ratio de 33 dans 5 ans semble raisonnable (correspondant au point bas durant le Covid).
Avec ces hypothèses que je juge assez prudentes, on peut voir dans le tableau que mon juste prix se situerait autour de 494 €, soit grosso modo le prix actuel.
Graphiquement, l’action se trouve sur des plus hauts historiques (ce qui ne veut PAS pour autant dire qu’elle est sur-valorisée !).
NOUVEAUTÉ 🎁
Je te partage ci-dessous une version légèrement différent de mon tableau de valorisation : ici, les prix ne sont pas “actualisés”, ils correspondent donc à la valeur potentielle de l’action, en fonction des hypothèses choisies.
A toi de jouer ! Dis-moi ce que tu penses être le juste prix de l’action Mastercard ⬇️
💬 La citation de la semaine
Le calcul n’est pas compliqué : lorsque le nombre d’actions diminue, votre part dans nos nombreuses entreprises augmente. Chaque petit geste compte si les rachats sont effectués à des prix qui créent de la valeur. Tout aussi sûrement, lorsqu’une entreprise paie trop cher pour les rachats, les actionnaires restants perdent.
Warren Buffett, extrait de la Lettre aux actionnaires, 2023
🤩 Une image vaut mille mots
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Je voulais partager notamment leur newsletter de Juillet 2024, dans le thème d’aujourd’hui puisqu’elle liste 14 actions cannibales !
🔚 C’est tout pour aujourd’hui !
Si tu as quelques minutes, tu peux répondre à ce sondage et m’aider à améliorer Le Buffet Finances !
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